Consultation réalisée du 10 au 15 décembre 2021 auprès de l’ensemble des infirmiers inscrits à l’Ordre et à laquelle 60 000 infirmières et infirmiers ont répondu.
Alors que 66% des infirmier(e)s estiment qu’avant la crise sanitaire leurs conditions de travail étaient « plutôt bonnes », voire « très bonnes », 85% des infirmiers salariés estiment que « leurs conditions de travail se sont plutôt détériorées depuis le début de la crise sanitaire » (89% pour les infirmiers salariés du secteur public).
Cette proportion a augmenté de 21 points en un an : en octobre 2020, 64% des infirmiers affirmaient que « leurs conditions de travail (s’étaient) détériorées depuis le début de la crise sanitaire ».
Interrogés sur les 3 mots (parmi 6 choix possibles) qui décrivent le mieux leur état d’esprit par rapport à leur travail, « la lassitude » (72%), « la colère » (51%) et « l’angoisse » (46%) reviennent le plus souvent dans les réponses des infirmiers, largement devant « la satisfaction » (9%), « la confiance » (6%) et « la sérénité » (3%).
Les infirmiers sont même 42% à indiquer « qu’ils ressentent actuellement un syndrome d’épuisement professionnel de type burn-out ». Ce dernier a « un impact sur la qualité des soins délivrés » pour près de la moitié des professionnels concernés (49%), et cette proportion monte même à 54% pour les infirmiers salariés du public concernés par le ressenti d’un burn-out.
Parmi les infirmiers exerçant en établissement, 70% affirment que « par rapport aux effectifs habituels de leur service ou de leur établissement, ils sont moins nombreux » (72% dans le public). Par ailleurs, 64% des infirmiers exerçant en établissement de santé indiquent « qu’il y a un turn-over plus important que par le passé ».
Les infirmiers exerçant en établissement sont 71% (74% pour les infirmiers salariés du public) à déclarer « qu’actuellement, ils ne disposent pas du temps nécessaire pour prendre en charge leurs patients » (+ 7 points par rapport à la consultation réalisée en octobre 2020).
Concernant l’organisation de l’offre de soins, 74% des infirmiers pensent que « nous ne sommes pas bien préparés collectivement pour répondre à la 5ème vague de contamination de Covid-19 » (76% pour les infirmiers salariés du public).
Interrogés sur « leur intention de quitter la profession » (hors départ en retraite), 15% des infirmiers ont répondu « Oui, je compte changer de métier dans les 12 mois à venir »,sachant que 33% « ne savent pas ou ne souhaitent pas se prononcer », et donc seuls 52% des infirmiers affirment « qu’ils ne comptent pas changer de métier dans les 12 mois à venir ».
Interrogés sur « leur intention de quitter la profession dans les 5 ans à venir », hors départ en retraite, 30% des infirmiers ont répondu « Oui, je compte changer de métier dans les 5 ans à venir », sachant que 37% « ne savent pas ou ne souhaitent pas se prononcer », et donc seuls 33% affirment « qu’ils ne comptent pas changer de métier dans les 5 ans à venir ».
Enfin, 79% des infirmiers estiment que « les mesures annoncées dans le cadre du Ségur de la santé n’ont pas eu d’impact positif sur leur souhait de continuer à exercer la profession infirmière ces prochaines années » (81% pour les infirmiers salariés de l’hôpital public) : le seul levier financier est insuffisant pour garantir l’attractivité de la profession sur la durée.
L’Ordre National des infirmiers appelle donc l’ensemble des candidats à l’élection présidentielle à s’engager dès maintenant à lancer dans les 30 premiers jours suivant leur prise de fonctions à l’Elysée les premiers Etats-généraux de l’attractivité des professions de santé.
Mettre en place des ratios minimums d’infirmiers en fonction du nombre de patients
Aujourd’hui, en raison de l’absence de ratios minimums d’infirmiers dans certains services, ou du non-respect de ces derniers quand ils existent, nombre d’infirmiers travaillent quotidiennement dans des conditions très difficiles. Outre le risque que cela constitue pour la sécurité et la qualité des soins délivrés aux patients, évoluer au sein de services structurellement en tension pousse chaque année de nombreux infirmiers à quitter l’hôpital public, voire à "raccrocher leur blouse".
Faire évoluer le cadre réglementaire de la profession infirmière
Les textes réglementaires encadrant la pratique infirmière n’ont pas été révisés depuis près de 20 ans. Il convient par exemple de permettre aux patients d’accéder plus facilement et simplement aux infirmiers présents sur l’ensemble du territoire (premier recours), reconnaître les vertus de la consultation infirmière, donner aux infirmiers la possibilité de prescrire des traitements ou d’adapter des posologies dans certains cas très spécifiques, valoriser et encourager le rôle des infirmiers en matière de prévention… Avec l’augmentation et la transformation des besoins de santé (vieillissement de la population, augmentation des maladies chroniques…), le système de santé a besoin d’infirmiers reconnus pour leur savoir-faire et leurs connaissances cliniques. Être considérés à la hauteur de leurs compétences ne pourra qu’encourager les infirmiers à rester dans la profession durablement.
--
« Avec cette nouvelle consultation, nous jouons pleinement notre rôle de vigie de la profession infirmière. La pénurie de soignants constitue un risque très grave pour la pérennité de notre système de santé et la qualité des soins délivrés aux patients. Or, de nombreux indicateurs nous invitent à penser que le phénomène va s’aggraver. Nous appelons les pouvoirs publics à réagir rapidement en organisant les premiers Etats-généraux de l’attractivité des professions de santé. Parmi les premières mesures proposées par l’Ordre National des infirmiers : instaurer des ratios minimums d’infirmiers en fonction du nombre de patients dans chaque service, et faire enfin évoluer significativement le cadre réglementaire de la profession infirmière. »
Patrick Chamboredon, Président de l’Ordre National des Infirmiers